Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome I, pp. 199-200, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À Gustave Flaubert

Cabinet du ministre
de l’Instruction Publique
des Cultes
et des Beaux-Arts
Ce lundi [janvier 1879].
Mon cher Maître,
Je me suis occupé immédiatement de ce qui concerne votre frère et voici où l’affaire en est.
Il a demandé le 25 8bre un congé pour une année. Sa demande a été transmise ici par le recteur de l’Académie de Caen le 2 novembre.
Par lettre du 20 9bre le directeur de l’Enseignement Supérieur a répondu qu’il était tout disposé à accorder un congé d’un an à M. Flaubert, et priait de désigner son suppléant ; mais aucun arrêté ne déterminant le traitement qui doit être attribué dans ces circonstances, il invitait le directeur à lui adresser des propositions à ce sujet, après entente avec les intéressés. Personne n’a répondu et l’affaire par suite en est restée là. Nous avons écrit aujourd’hui même à Caen pour hâter la conclusion et vous pouvez annoncer une réponse prochaine et favorable.
C’est aujourd’hui que le Ministre doit tomber1. Je n’ai pas de chance.
L’Assommoir est un succès.
Par exemple, c’est interminable et pas très mordant. Mais les décors sont superbes, et il y a des scènes bien venues. Le delirium tremens fait évanouir les femmes. On ira voir. La première a été fort bonne. Quelques murmures ébauchés ont été arrêtés par trois salves d’applaudissements. Je crois que la pièce tiendra longtemps.
Je vous embrasse, mon cher Maître, et vous prie de venir le plus tôt possible.
Guy de Maupassant2

1 Le ministère Dufaure, interpellé le 20 janvier 1879, obtint une grande majorité ; Dufaure persista à vouloir se retirer. Après l’élection de Grévy à la Présidence de la République, Jules Ferry remplaça Bardoux à l’Instruction publique, dans le cabinet Waddington, qui, le 4 février 1879, succéda au cabinet Dufaure. Maupassant conserva son emploi.
2 Cf. réponse de Flaubert, Correspondance (éd. Conard, tome VIII, N° 1793).