Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome I, pp. 211-212, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À Gustave Flaubert

Cabinet du ministre
de l’Instruction Publique
des Cultes
et des Beaux-Arts
Ce jeudi [mars 1879].
Mon cher Maître,
Vous devez être un peu étonné de n’avoir pas de nouvelles ni de lettres de M. Rambaud. Voici la cause de ce silence. On fait en ce moment un grand travail sur les pensions des hommes de lettres. La plupart de ces pensions étaient attribuées à des femmes ou à des hommes qui n’avaient rien de commun avec les lettres. On veut que désormais elles soient uniquement réservées aux littérateurs de sorte qu’on est en train de rayer beaucoup de personnes qui n’avaient aucun droit pour en recevoir. Aussitôt que ce travail sera terminé, on s’occupera de faire une nouvelle répartition uniquement aux hommes de lettres. C’est à ce moment que vous recevrez l’offre de Rambaud qui, sauf modification résultant de l’état du crédit, doit vous proposer 5000 francs par an.
Lorsque vous lui répondrez vous pouvez lui dire que vous comptez sur sa discrétion absolue. Vous ferez peut-être bien de ne pas trop lui parler de restitution dès aujourd’hui, ce qui pourrait le blesser. En vous écrivant le premier il fait une démarche qui n’a jamais été faite, et il devra supposer que vous acceptez surtout par considération pour cette démarche. En annonçant déjà votre projet de restitution vous auriez, il me semble, un peu l’air de lui dire « Je ne veux rien de vous et je vous rendrai votre argent aussitôt que je le pourrai » — Songez que vous serez toujours libre de renoncer à cette rente lorsque vous le voudrez. Il demeure bien entendu que vous ne savez rien, que je ne vous ai rien écrit.
Je vous remercie infiniment d’avoir obtenu de la Princesse Mathilde que ma petite pièce soit jouée chez elle. Je vais lui en envoyer un exemplaire. Comment le dédier — « À Madame la Princesse Mathilde ?... ?... ? » — ou bien « À Son Altesse La princesse... » — ou bien « À Son altesse Madame la Princesse... » Éclairez-moi sur les usages.
Ma mère ne va pas bien — elle est beaucoup plus mal ces jours-ci. Madame Brainne non plus, ne se guérit pas vite.
Adieu mon cher Maître, je vous embrasse fort.
Quand venez-vous ?
Guy de Maupassant1

1 Cf. réponses de Flaubert, Correspondance (éd. Conard, tome VIII, Nos 1824 et 1833).