À Émile Zola
Marhoum, vendredi [juillet 1881]. |
Cher Maître et ami,
Je trouve par hasard, à Marhoum, dans un petit campement de zouaves, un n° du
Figaro1 qui contient votre article où vous parlez de moi. Votre voix, venue de là-bas, à travers cette solitude horrible, brûlante, et désolée des hauts plateaux algériens, si inattendue en ce lieu, et si aimable, m’a fait un profond plaisir. Je n’espérais plus, je vous l’avoue, que vous puissiez forcer la résistance du
Figaro. Vous y êtes parvenu, merci mille fois. Ce numéro de journal est justement le seul que j’aie vu depuis quinze jours. Aucun courrier ne me parvient plus dans le désert. J’ignore même si mes lettres arrivent en France. Enfin je satisfais mes instincts vagabonds, et puis ce pays abominable pour y rester est vraiment saisissant surtout en ce moment où la guerre est partout, où l’on peut, à tout instant rencontrer un parti d’Arabes ennemis.
J’espère que ce mot vous parviendra. Présentez je vous prie mes compliments empressés à Madame Zola, et donnez-moi vos mains que je serre bien vivement.
Mille choses aux amis si vous les voyez.
Si vous aviez quelque chose à me dire écrivez-moi à Alger, poste restante. Je vais repasser par cette ville avant d’entrer dans la Kabylie que je veux traverser.