Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome II, p. 52, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À Gisèle d’Estoc

Ce mardi [1882].
Ma chère amie,
Vous me prêtez bien légèrement des intentions bien singulières. La vérité est que j’ai passé huit jours en Normandie pour des affaires de famille ; et que depuis je suis resté à Sartrouville avec un de mes cousins et sa jeune femme arrivés de province tout récemment.
Comme je ne pouvais point vous voir, j’attendais pour vous écrire une occasion de liberté. J’allais le faire à la fin de la semaine dernière ayant plusieurs jours devant moi (car je vais repartir demain pour la Normandie, pour terminer un procès), quand une nouvelle histoire de lettre anonyme m’a exaspéré, je l’avoue.
Comme je ne pouvais en accuser que vous (on ne prête qu’aux riches), j’ai gardé le silence, préférant cela à une explication dans laquelle je n’aurais peut-être pas gardé tout mon sang-froid. Cette lettre était signée « Pluc et un groupe d’étudiants ». Vous devez savoir ce que je veux dire.
J’ai beaucoup de défauts. J’ai entre autres celui d’agir toujours en face. De là une instinctive répulsion pour les lettres anonymes. J’ai trouvé en outre que cela me faisait assez d’histoires de ce genre depuis un mois ou deux. Si, par hasard, je m’étais trompé, je vous ferais des excuses à deux genoux, même si vous les repoussiez.
Je ne puis malheureusement conserver de doute, je n’avais raconté qu’à vous l’histoire dont il s’agit. Cette nouvelle m’a fait un vrai chagrin. À qui la faute ?
Je vous baise les mains.
Guy de Maupassant