Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome II, pp. 69-70, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À Edmond Deschaumes

G. M.
83, rue Dulong.
Février 1883.
Mon cher Deschaumes,
Je suis désolé de vous avoir blessé. Je vais vous dire les faits en vingt lignes et vous comprendrez.
Je vous ai écrit, parce que c’est vous que je connais le plus au Chat-Noir. Or, depuis six semaines, j’ai reçu pas mal d’injures anonymes dans lesquelles on a été jusqu’à me reprocher d’avoir vendu mon nom au Chat Noir pour quarante francs ! Je n’ai fait naturellement aucune attention à ces infamies mais un de mes amis qui va beaucoup dans la presse a entendu dire et m’a répété le même propos stupide. On prétendait que j’avais été un soir trouver M. Salis et lui dire tout bas : « J’ai besoin de deux louis ; si vous me les donnez, je vous autoriserai à mettre mon nom sur la couverture de votre journal. »
C’était imbécile, mais sans y attacher aucune importance, j’ai préféré vous prier tout simplement d’enlever mon nom de sur la couverture. Je vous ai donc écrit un billet amical de quatre lignes.
Je n’ai pas reçu de réponse. J’ai laissé passer trois numéros. Mon nom n’était pas effacé. J’ai cru, naturellement, que la plaisanterie était continuée intentionnellement malgré ma prière, et j’ai trouvé le procédé on ne peut plus grossier.
De là ma seconde lettre, à vous adressée, parce que je vous avais adressé la première et que je n’avais aucune raison de penser qu’elle ne vous fût pas parvenue. Vous êtes secrétaire de la rédaction. Donc j’étais persuadé que toute lettre adressée au secrétaire de la rédaction vous arriverait. L’absence totale de réponse à une première lettre m’a fait croire qu’on voulait s’amuser à mes dépens. Le procédé m’a surtout blessé, venant de vous et de M. Salis, qui m’avait, au contraire, témoigné, jusque-là, beaucoup d’amabilité. Je suis maintenant confus de m’être trompé et de vous avoir adressé cette lettre nerveuse, qui, je le comprends, étant données votre maladie et votre ignorance de ma première lettre, a dû vous surprendre et vous froisser. Cordialement à vous.
Guy de Maupassant
Si je ne vous ai pas écrit chez vous, c’est que je voulais bien indiquer que ma lettre s’adressait au Secrétaire de la rédaction.