À sa mère
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... Fini son temps vers le 10 septembre il devancerait assurément la crise qu’on n’attend guère avant la mi-septembre. Mais je le répète, Versailles a toujours été absolument épargné seulement... pourrait-on empêcher Hervé
1 de venir à Paris. J’ai vu, l’autre jour, un médecin qui arrivait de Toulon ; il paraît que tout le monde a perdu la tête là-bas. Ce médecin avait eu d’ailleurs une attaque de choléra ; et comme il n’exerce pas il avait filé, après guérison. Le choléra n’est nullement venu par la
Sarthe, mais par le
Shamrock, autre navire de guerre, il est vrai. La première mort a eu lieu le 26 avril. C’était un soldat d’infanterie de marine, débarqué la veille de ce bâtiment. Depuis ce jour les morts se sont succédé de trois en quatre jours. Tantôt une, tantôt rien, tantôt deux, puis après la période d’incubation le mal s’est montré brusquement.
Je fais faire les travaux de ma nouvelle installation
2. Ce sera joli, mais cher, cher, cher. Enfin
je compte beaucoup sur mon roman3. Je crois que j’y suis, et je tâcherai d’y rester. Adieu, ma chère mère. Je t’embrasse mille fois de tout cœur. Je serre bien cordialement la main d’Hervé. Écris-moi maintenant à Étretat.
Ton fils, Guy de Maupassant
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J’ai commencé à écrire mon roman, Yvette étant complètement terminée. D’après ce qu’on m’a dit au Ministère de la Guerre, les réservistes se trouvant dans le voisinage des villes atteintes vont être dirigés immédiatement sur les garnisons de l’extrême Nord de la France.
2 Maupassant allait s’installer 10, rue de Montchanin, au rez-de-chaussée de l’hôtel que s’était fait construire Louis Le Poittevin.