Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome II, pp. 159-160, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À Victor Havard

La Guillette (Étretat).
[Reçue le 2 octobre 1884.]
Mon cher ami1,
Je vais vous expédier Yvette d’ici à trois ou quatre jours, mais je ne veux pas publier cette nouvelle seule dans un volume. J’aurais l’air de lui donner ainsi une importance qu’elle n’a pas. J’ai voulu faire et j’ai fait comme procédé littéraire une espèce de pastiche de la manière élégante de Feuillet & Cie.
C’est une bluette, mais ce n’est point une étude. C’est adroit, mais ce n’est pas fort.
Je voudrais donc savoir ce que je dois vous envoyer de contes pour compléter un volume ordinaire.
Vous savez que nous avons souvent discuté la question de vente. Je vous disais que les librairies de province traitaient vos volumes beaucoup moins bien que ceux des autres éditeurs et que cela devait tenir à votre manière de faire les affaires avec eux. Plusieurs, d’ailleurs, me l’avaient dit. Je viens d’en avoir une preuve en cet été, où vous avouez vous-même que rien ne se vend. J’ai écrit dernièrement à Ollendorff pour connaître le sort des Sœurs Rondoli. Il m’a répondu qu’on tirait la 18e édition. J’ai écrit de nouveau une lettre ironique pour demander si ces éditions étaient de 200 ou de 250. Je vous communique la réponse que je reçois. Voici donc le moins bon de mes volumes, paru en plein été, en plein choléra, vendu en deux mois à 9500 exemplaires, alors que la Maison Tellier et Miss Harriet sont restées tout à fait en arrière.
Nous allons voir maintenant ce que va donner Yvette paraissant en bonne saison et avec la publicité du Figaro.
Croyez, mon cher ami, à mes sentiments les plus affectueux.
Guy de Maupassant
Conservez-moi, je vous prie, la lettre d’Ollendorff.

1 Lettre de la main de Mme Brun-Chabas, signée par Maupassant.