Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome II, pp. 173-174, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À Victor Havard

Cannes, villa Mon Plaisir.
[Reçue le 21 février 1885.]
Mon cher éditeur et ami,
Cette lettre est confidentielle. Maizeroy m’écrit que si je ne lui prête pas 300 fr. d’ici à 4 jours, il n’a plus qu’à disparaître. Je lui réponds que j’ai encore 200 fr. chez vous et que je vous autorise à les lui remettre. Vous voudrez donc bien lui donner deux cents francs sur mon compte, quand il vous les demandera. Gardez 200 fr. pour mon domestique, à qui je n’ai pas encore écrit et à qui j’écris par le même courrier, et ayez la complaisance de m’envoyer le reste.
Vous me redeviez, je crois, 1850 fr. En retirant de cette somme 400, il reste donc 1450 fr. Pour faire un compte rond, vous m’enverrez 1500 et vous ne remettrez que 150 à mon domestique, à qui j’adresse un reçu de 150 fr. Je vous demande bien pardon de vous donner toute cette peine.
Vous me demandez de mes nouvelles. Elles ne sont pas fameuses. J’ai les yeux de plus en plus malades. Cela tient, je crois, à ce qu’ils sont extrêmement fatigués par le travail. La santé de ma mère me donne encore de graves inquiétudes. Elle a tous les jours des crises affreuses de tremblement et d’étouffement. Vous voyez donc que les nouvelles ne sont pas excellentes.
Je suis désolé de ce que vous me dites pour les Deux Amies. Mais j’ai la conviction que vous serez acquitté1.
J’ai fini Bel-Ami. Je n’ai plus qu’à relire et retoucher les deux derniers chapitres. Avec six jours de travail ce sera complètement terminé.
Combien cela va-t-il fournir de pages ? J’ai, comme je vous le disais, 430 feuilles de papier.
Surtout il est bien entendu pour Maizeroy que je n’ai que 200 fr. chez vous. Faites-lui donner un reçu à peu près en ces termes. Reçu de M. Havard la somme de 200 fr. sur le compte de Guy de Mt. et avec son autorisation. Je vous enverrai, si vous voulez, un autre reçu plus correct.
Je vous serre bien cordialement la main.
Guy de Maupassant

1 Deux Amies, roman de René Maizeroy, édité par Havard, dédié à Maupassant (1885). Le sujet scabreux fit craindre des poursuites.