Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome II, pp. 187-188, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À sa mère

[Fragment]
De Paris, 7 juillet 1885.
Ma bien chère mère,
J’ai attendu pour t’écrire que j’eusse vu Sardou. Or j’ai été hier à Marly et je l’ai trouvé. Il m’a reçu avec la plus grande gracieuseté et m’a beaucoup parlé d’H...1 Mais il n’a aucune nouvelle de Nice à ce sujet. Son père qui est descendu de sa chambre en sachant que j’étais là est même fort irrité de n’être pas tenu au courant. Il y a eu paraît-il une réunion du Conseil d’Administration où des résolutions ont été prises, sans qu’elles lui aient été communiquées. Mais il m’a dit : « La chose sera faite. Il faudra peut-être attendre mon retour mais je donnerais (sic) ma démission plutôt que de permettre que cela ne fût pas. » À ce sujet des idées et des réflexions me sont venues. H..., étant candidat à une place, a-t-il eu soin de porter des cartes chez les différents membres du Conseil d’Administration de qui dépend cette place ? cela était absolument indiqué.
Enfin Sardou m’a dit : Ne vous inquiétez pas s’il y a encore un peu de retard.
J’ai vu aussi M. Maillet du Boullay. [...]
Il a été absolument séduit par la saucière en marseille avec des ors en relief que j’ai achetée à Cannes. Il m’a dit que c’était une pièce des plus belles, des plus rares, des plus curieuses, digne de n’importe quel musée.
Rien de nouveau pour Bel-Ami. C’est ce livre qui m’a empêché d’aller encore à Étretat, car je me remue beaucoup pour activer la vente, mais sans grand succès. La mort de Victor Hugo lui a porté un coup terrible. Nous sommes à la vingt-septième édition soit 13000 vendus. Comme je te le disais nous irons à vingt mille ou vingt-deux mille. C’est fort honorable, et voilà tout.
Je pars vendredi à une heure pour Étretat. Je n’y resterai que 3 jours, puis je reviens ici, et je me mettrai en route pour Châtel-Guyon le 18 juillet.
Décide-toi donc à y venir. Cela me ferait tant de plaisir de passer avec toi ces vingt-cinq jours. Si tu te décidais, je louerais une petite maison, ce que je ne ferai pas si je suis seul, et j’emmènerais François qui nous servirait. Mais je voudrais bien que tu m’envoyasses une réponse immédiate à Étretat pour que je prenne mes dispositions en conséquence.
Adieu, ma bien chère mère, je t’embrasse mille fois de tout mon cœur. Une bonne poignée de main à Hervé.
Ton fils,
Guy de Maupassant

1 Hervé, le frère de Maupassant.