Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome II, p. 229, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À Hermine Lecomte du Noüy

Yacht Bel-Ami,
novembre 1886.
Ma chère amie,
Moi aussi, je vis dans une solitude absolue. Je travaille et je navigue, voilà toute ma vie. Je ne vois personne, personne, ni le jour, ni le soir. Je suis dans un bain de repos, de silence, dans un bain d’adieu. Je ne sais pas du tout quand je reviendrai à Paris. Je voudrais bien travailler tout l’hiver pour être un peu libre tout l’été. Paris ne me dit rien d’ailleurs. Vous, ne viendrez-vous point à Villefranche ? J’irais vous y voir avec mon yacht, sans vous proposer de promenade en mer, car je sais que cela ne vous plaît guère. Dites-moi jusqu’à quelle époque vous resterez à Paris pour que je fasse coïncider mon apparition dans cette ville avec le séjour que vous y ferez. Merci de vos gentilles lettres et de toutes les nouvelles que vous me donnez. Si vous avez une minute, écrivez-moi, et pardonnez-moi de vous répondre si peu, je n’y vois plus, tant j’ai fatigué mes yeux. Donnez vos mains. Je vous baise aussi les pieds.
Maupassant
Et j’embrasse Pierre1.

1 Pierre Lecomte du Noüy, fils de Mme Lecomte du Noüy, biologiste célèbre (1883-1947).