Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome II, p. 269, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À Hermine Lecomte du Noüy (?)

[Fragment]
Tunis, le 19 décembre 1887.
Depuis hier soir, je songe à vous, éperdument. Un désir insensé de vous revoir, de vous revoir tout de suite, là, devant moi, est entré soudain dans mon cœur. Et je voudrais passer la mer, franchir les montagnes, traverser les villes, rien que pour poser ma main sur votre épaule, pour respirer le parfum de vos cheveux.
Ne le sentez-vous pas, autour de vous, rôder, ce désir, ce désir venu de moi qui vous cherche, ce désir qui vous implore dans le silence de la nuit ?
Je voudrais, surtout, revoir vos yeux, vos doux yeux. Pourquoi notre première pensée est-elle toujours pour les yeux de la femme que nous aimons ? Comme elles nous hantent, comme elles nous rendent heureux ou malheureux, ces petites énigmes claires, impénétrables et profondes, ces petites taches bleues, noires ou vertes, qui, sans changer de forme ni de couleur, expriment tour à tour l’amour, l’indifférence et la haine, la douceur qui apaise et la terreur qui glace mieux que les paroles les plus abondantes et que les gestes les plus expressifs.
Dans quelques semaines, j’aurai quitté l’Afrique. Je vous reverrai. Vous me rejoindrez, n’est-ce pas, mon adorée ? vous me rejoindrez à 1...
Guy de Maupassant

1 Cette lettre figure dans un article non signé, publié dans la Grande Revue du 25 octobre 1912 ; l’auteur présumé de l’article est Mme Lecomte du Noüy.