Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome III, pp. 54-55, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
Lettre précédente : 477 Lettre 528 — Lettre suivante : 572
Sommaire chronologiqueSommaire alphabétique

À Lucie Le Poittevin

Aix-les-Bains, Maison de Varicourt.
[8 octobre 1888, date de la poste.]
Ma chère cousine,
C’est d’Étretat que vous attendez une lettre de moi, et celle-ci vous arrive d’Aix où j’ai dû me réfugier pour me soigner, après avoir été si malade à Étretat que je ne retournerai jamais dans cette horrible Sibérie. Dès que j’aurai fini ma saison ici, j’irai passer quinze jours à Paris, puis je partirai pour l’Afrique où je compte passer une partie de l’hiver.
Ici d’ailleurs, après huit jours de vraies chaleurs, nous avons éprouvé un brusque refroidissement de la température, puis des orages épouvantables, qui nous ont isolés du reste du monde. Les trains n’arrivent plus jusqu’à nous. Ceux qui s’obstinent en rencontrent d’autres et écrabouillent leurs voyageurs. Voici trois accidents graves en huit jours sur la seule ligne P. L. M. En ce moment les montagnes qui nous entourent sont couvertes de neige. C’est fort beau et désolant.
Voulez-vous me dire tout de suite (avant le 15 octobre) à qui je dois envoyer mon terme. Je ne sais plus le nom ni l’adresse de l’homme. Je m’étonne beaucoup que la rivière ne vous ait pas plu — moi j’en ai la nostalgie et quand j’aurai vendu ma maison d’Étretat c’est assurément au bord d’une rivière que je me fixerai. En attendant je vais aller chercher du soleil sur le continent voisin.
J’espère vous voir à Paris au moment où j’y retournerai. Mille amitiés à Louis et croyez, ma chère Lucie, à ma très vive et cordiale affection. Ma mère me charge de ses compliments les plus affectueux pour vous et pour Louis.
Guy
Je crois bien que je connais à présent l’auteur des lettres anonymes de l’an dernier. Ce serait une petite dame que nous avons un peu suspectée ensemble. Louis, je crois, me l’avait désignée. J’ai eu cet été des indications assez précises. Cherchez ? Elle venait chez moi, et l’odeur qu’elle répandait par le nez, nous a fourni des plaisanteries.