Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome III, pp. 84-85, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À Jean Bourdeau

Triel [Fin juin 1889].
Mon cher ami,
J’ai bien reçu hier seulement votre article des Débats1, Ollendorff n’étant pas très exact dans ses envois, et je vous adresse tous mes remerciements pour les choses si flatteuses et agréables à lire qu’il contient.
Il m’a fait plaisir à tous égards — parce qu’il est plein d’éloges — parce qu’il est de vous — parce qu’il est d’un homme dont j’apprécie hautement l’opinion et dont j’estime fort l’intelligence.
J’ai vu nos belles amies et je leur ai dit, je lui ai dit que vous m’aviez écrit. — Elle a failli rougir — en tout cas elle s’est troublée et elle a demandé : « Il doit être fâché contre moi ? » J’ai répondu : « Oh ! fâché, non, mais peut-être peiné. »
Alors elle a voulu savoir si je vous avais répondu et je lui ai dit ceci : « Oui, tout de suite », pour lui prouver que les hommes valent mieux que les femmes.
Je ne la vois guère en ce moment d’ailleurs car je ne quitte plus ma campagne où je me suis mis à travailler. Je crois qu’elle va aux eaux en Allemagne. L’autre reste à Paris et je me promets de l’aller trouver le plus souvent possible quand Paris sera vide de ses Parisiens.
On vient me voir ici d’autres groupes, des groupes que vous ne connaissez pas, ou guère, et cela est très gentil. Nous avons des dîners sous les feuilles qui sont pleins de gaîté jeune, de gaîté simple différente de l’esprit mondain et très agréable quand on est resté assez niais pour s’y livrer franchement.
Adieu, mon cher ami, je vous serre bien cordialement les mains en vous envoyant mes plus vifs remerciements.
Guy de Maupassant

1 Article de Bourdeau consacré à Fort comme la Mort (Journal des Débats, 27 juin 1889).