Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome III, p. 173, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À sa mère

[Fragment]
Étretat, août 1890.
Ma bien chère mère,
... Le pays que je viens de visiter1 est un des plus beaux qu’on puisse voir. Des vallées immenses, enfermées en des montagnes portant de gigantesques forêts de pins et de hêtres. Le long de toutes ces pentes, d’innombrables sources, torrents, ruisseaux. Au fond de toutes ces vallées, des lacs.
En somme, de l’eau, de l’eau, encore de l’eau qui court, qui tombe, qui glisse, qui rampe ; des cascades, des rivières sous l’herbe, sous les mousses les plus belles que j’ai vues, de l’eau, partout de l’eau, une humidité froide, pénétrante, légère, car l’air est vif, le pays étant fort élevé.
J’ai eu des douleurs de rhumatisme, mais mon estomac allait bien mieux au bout de quatre jours.
Mes jambes étaient redevenues élastiques, bien que je souffrisse de crampes dans les mains et dans les épaules.
Aujourd’hui, à peine revenu à Étretat, je suis repris de migraine, de faiblesse et d’impatience nerveuses. Le travail m’est absolument impossible. Dès que j’ai écrit dix lignes je ne sais plus du tout ce que je fais, ma pensée fuit comme l’eau d’une écumoire. Le vent ici ne cesse pas et je ne laisse jamais éteindre mon feu. Je voudrais bien que le jardin public qu’on va faire contre moi me permît de vendre cette maison.
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Adieu, ma bien chère mère, je t’embrasse de tout mon cœur.
Ton fils,
Guy

1 Gérardmer.