Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome III, pp. 212-213, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À Henry Cazalis

24, rue Boccador [fin mars 1891].
Je suis désolé de n’avoir pas été chez moi quand vous y êtes venu. Mon état de détresse mentale, cette impossibilité de me servir de mes yeux, et un malaise physique de cause inconnue, mais intolérable, font de moi un martyr.
Mon nouveau dentiste a un peu atténué les vives douleurs amenées par les cautérisations de Pickiewicz, mais les cautérisations, et surtout les pointes de feu sur la gencive y ont déterminé un abcès d’où coule du pus toute la journée. Je reviens à mon idée du sinus malgré que le second dentiste soit de l’avis du premier. Tout cela se tient si fort qu’étant entré hier soir dans un appartement éclairé à la lumière électrique, la secousse dans les yeux a communiqué une douleur à la dent, douleur suivie aussitôt d’une fluxion. Et puis j’ai la tête en déroute, les idées mêlées et désolantes. L’influenza d’ailleurs ne me quitte pas ; mais comme elle a abandonné les bronches pour faire de mes fosses nasales et de ma gorge une fabrique de glaires inimaginable, je me demande si l’inflammation du maxillaire ne contribue pas aussi beaucoup à tout cela.
Le dentiste me demande quelques jours de répit. Ma mère m’écrit qu’il fait un temps abominable à Nice. Je vais rester jusqu’à jeudi mais je crois que j’ai tort.
M. de Fleury est venu chez moi et comme François, lui ayant annoncé mon départ pour après-demain, ne pouvait lui fixer un moment où il serait sûr de me trouver, l’écrivain a répondu, furieux, qu’il était un homme de lettres comme moi, et que je devais le recevoir. Oh ! Oh !
Maupassant