Publication : Maupassant Guy de, Correspondance, tome III, pp. 258-259, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973, avec notes de l’auteur.
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À un destinataire non identifié

Chalet de l’Isère,
Route de Grasse, Cannes
[novembre 1891].
Monsieur,
Je ne permettrai jamais qu’on tire des pièces de mes livres et je ne comprends même pas qu’on fasse de pareilles propositions aux auteurs qui respectent leur art.
La différence est telle entre la nature du roman et celle du théâtre que cette déformation enlève toute sa valeur à l’œuvre. Le roman vaut par l’atmosphère créée par l’auteur, par l’évocation spéciale qu’il donne des personnages à chaque lecteur, par le style et la composition.
Et on prétend remplacer cela par des gueules de cabotins et de cabotines, par le jargon et la désarticulation du théâtre, qui est loin de donner l’effet de l’écriture de l’œuvre. On déshonore son livre en agissant ainsi, et les écrivains qui l’ont laissé faire n’ont agi que par amour de l’argent et ne sont pas des artistes.
Avec mes regrets, recevez l’assurance de ma considération, cher Monsieur.
Guy de Maupassant
Et le décor, en quoi peut-il remplacer les mille détails des paysages qui s’accordent avec la vie du livre ?
Quant à moi, monsieur, jamais plus je ne ferai de théâtre, je trouve cette convention toujours fausse, odieuse pour les amateurs de la vérité vraie.
G. M.