De Laure de Maupassant
à Gustave de Maupassant
Étretat, le 24 janvier 1871 |
Encore une tentative, mon cher Gustave. Cette nouvelle lettre pourra-t-elle enfin trouver son chemin jusqu’à vous ? Nous avons essayé de tous les moyens en notre pouvoir pour vous instruire de notre destinée, et chacune de vos lettres nous apportait la triste certitude que nous n’avions pas réussi. Mais laissons cela, et profitons du peu d’espace qui nous est donné pour vous instruire de tout ce qui peut vous intéresser. Nous allons bien tous. Virginie est ici avec ses enfants ; M. Beaugrand est aussi près de nous. Guy est au Hâvre depuis la reddition de Rouen. Il a couru un certain danger pendant la retraite de l’armée en allant porter un message au général ; il s’est tiré d’affaire grâce à son agilité et à son sang-froid. Il a eu un assez fort mal de gorge pendant quelques jours ; mais il est guéri. Il est toujours dans l’intendance, ce qui ne l’empêchera peut-être pas de faire partie de l’armée de marche pour destination inconnue. Espérons que je ne le verrai point s’éloigner, quoique je sache bien que le brave garçon ne demandera qu’à partir. Le ciel nous a protégés jusqu’ici, ayons confiance. Vos nouvelles nous font toujours le plus grand plaisir ; merci mille fois de votre exactitude à nous en donner. Parlez-nous aussi d’Ernestine et de Robert. Nous avons eu ce matin de bonnes nouvelles par le journal du Hâvre. Hervé passe l’hiver à merveille.
Adieu, mon cher Gustave, de bien affectueuses poignées de main. Tous ceux qui m’entourent vous embrassent.