Publication : Bienvenu Jacques, Maupassant inédit, pp. 83-85, Éditions Édisud, Aix-en-Provence, 1993, avec notes de l’auteur. Cette lettre est reproduite ici avec l’aimable autorisation de l’auteur et d’Édisud.
Mme d’Harnois de Blangues
Lettre 811
— Lettre suivante : 799
Lettre précédente : 47 Laure de Maupassant
Lettre 811
— Lettre suivante : 69
Sommaire chronologiqueSommaire alphabétique

De Virginie d’Harnois de Blangues
à Laure de Maupassant

Paris, ce 24 décembre 1875.
J’arrive de chez M. de la Charrière, chère sœur, et je commence par ces mots qu’il m’a répétés en plusieurs fois : l’état de M. Guy de M. n’a absolument rien d’alarmant. Il n’y a pas de maladie de cœur seulement il y a un peu de dilatation de cet organe et, comme cet état n’est pas chronique, il faut l’empêcher de le devenir. Le docteur croit que ce sont des accidents nerveux et il essaie en ce moment d’un régime approprié aux affections névralgiques. Il pense que cela va amener un résultat satisfaisant mais, s’il n’y avait pas amélioration sensible il adresserait Guy à l’un de ses confrères qui s’occupe spécialement de ces affections1. Tu sais que M. de Lacharrière [sic] soigne surtout les maladies de l’oreille. Il m’a dit que Guy était admirablement constitué et j’ai vu que, sous tous les rapports, ton fils avait fait complètement la conquête de son docteur. L’exercice beaucoup trop violent qu’il prend à Bezons2 est probablement cause de cette indisposition ; M. de la Charrière désire qu’il se modère beaucoup à l’avenir sous ce rapport. Il m’a encore dit que, si Guy avait quelque chose de sérieux au cour il lui serait tout à fait impossible de marcher comme il le fait, tant s’en faut. Il tient beaucoup à n’être pas longtemps sans le voir car, je te le répète, il veut que cette dilatation disparaisse complètement. Maintenant, chère Laure, j’ajoute, puisque tu le désires, que je te donne ma parole d’honneur que tout ce que je viens de te dire est l’absolue vérité. Tu vas voir bientôt le cher Guy et tu pourras constater par toi-même qu’il a un aspect des plus rassurants. Calme-toi donc, je t’en supplie, et compte absolument sur moi pour te donner des nouvelles avec la plus grande franchise. [...] Je n’ai pas parlé de ta lettre3 à Hervé, dans la crainte que cela ne revienne à son frère. [...]

1 Le 11 mars 1876, Maupassant écrit : « Mon médecin m’a envoyé consulter un spécialiste, le maître des maîtres, le docteur Potain... Ce dernier m’a déclaré que le cœur lui-même n’avait absolument rien, mais que j’étais atteint d’un commencement d’empoisonnement par la nicotine. »
2 Maupassant était un passionné de canotage.
3 Il est possible que, dans sa lettre, Laure ait rappelé à Virginie que leur frère était mort d’une maladie de cœur.