À Gustave Flaubert
Ministère de la Marine et des Colonies |
Les nouvelles sont un peu meilleures, mon cher Maître, et je crois que nous allons arriver enfin à quelque chose. J’ai pu, ce matin, voir M. Charme, et j’ai causé fort longtemps avec lui. J’ai eu, je crois, la chance de lui plaire, et il me seconde de toute sa force. C’est M. Bardoux qui n’a pas voulu me demander d’une façon définitive, craignant, disait-il, de me laisser sans place aucune à son départ. Mais M. Charme m’a dit : « Moi, je m’en charge et je vous promets de forcer le ministre à vous trouver quelque chose dans le ministère ; c’est facile et je ne partage pas les hésitations ou les scrupules de M. Bardoux. Si la Marine vous refuse comme délégué, je vous donne ma parole que je vous ferai demander immédiatement d’une façon définitive. » Donc, j’attends encore. On peut, m’a-t-on affirmé, compter sur M. Charme, qui ne promet pas sans tenir. J’espère enfin réussir, j’en ai bien besoin, car cette attente de six semaines, m’a vidé le cerveau. Il y a tant passé d’espérances et de désespoirs, de doutes et de certitudes, de tribulations de toute sorte, qu’il ne peut plus rien faire.
Me voici à la fin sans doute, et je vous dois, mon bien cher Maître, de fameux remercîments.
Madame Brainne, chez qui j’ai dîné hier, se plaint que vous la délaissiez.
Je vais ce soir chez les Charpentier. Gambetta y dîne.
Je vous embrasse. Mes compliments bien vifs et respectueux à Madame Commanville.
J’ai une plume de fer, dure, ça me gêne : sans cela, je vous aurais écrit plus longtemps
1.
1 Cf. Flaubert, Correspondance inédite (éd. Conard, tome IV, N° 1096).