Guy de Maupassant : Des larmes de la nuit la plaine était encore humide... Poème publié dans Le Temps du 7 décembre 1897.

Des larmes de la nuit
la plaine était encore humide...

Des larmes de la nuit la plaine était encore humide,
Une brume légère au loin flottait encor,
Les gais oiseaux chantaient. Et le beau soleil d’or
Jetait son étincelle à l’eau fraîche et limpide.

Oh ! quand la sève monte et quand le bois verdit,
Quand de tous les côtés la grande vie éclate,
Quand au soleil levant tout chante et resplendit,
L’esprit ouvre son aile et le cœur se dilate.

Aussi notre héros fut-il très étonné
De se sentir bientôt moins triste qu’à la ville,
Le regard plus serein et l’âme plus tranquille
Quand au courant du fleuve il se vit entraîné.

Le canot lentement allait à la dérive,
Un vent léger faisait murmurer les roseaux,
Peuple frêle et chantant qui grandit sur la rive
Et qui puise son âme au sein calme des eaux.

La yole du poète croise une autre embarcation. Il discerne, à la poupe, une femme en qui il reconnaît, à son grand étonnement, une chaste jeune fille qu’il avait coutume de rencontrer le matin en se rendant à son bureau. Cette vierge n’était qu’une canotière ! Il se lance à sa poursuite. Il la rattrape. On descend à la même guinguette. Que vous dirais-je ? Le dénouement se devine :

Poète au cœur naïf, il cherchait une perle ;
Trouvant un bijou faux il le prit — et fit bien.
J’approuve, quant à moi, ce dicton très ancien :
« Quand on n’a pas de grive, il faut manger un merle ».