Guy de Maupassant : La Madone. Poème publié dans le supplément littéraire du Figaro du 1er décembre 1928.

La Madone

I

Vous m’avez donné, madame,
Un étrange chapelet
Qui m’a pris le cœur et l’âme
Comme un agile filet !

Où sont mes goûts de naguère ?
On me disait libertin !
Aujourd’hui je n’ai plus guère
Que des soifs de sacristain.

Je me prosterne et je prie,
Chaque jour à deux genoux,
La bonne Vierge Marie
Qui, d’en Haut, veille sur nous.


II

Je récite l’Angelus,
Brûlant d’une ardeur nouvelle !...
Mais ne vous étonnez plus...
Mon secret — je le révèle !

Au fond du ciel étoilé
La Vierge m’est apparue
Découvrant son front, voilé
Par un grand manteau de nue !

J’ai cru... N’ai-je point rêvé ?
Oui j’ai cru... Dieu me pardonne !
En bredouillant mes Ave
Que c’était vous la Madone.