Guy de Maupassant : Sabbat. Poème publié dans Le Gaulois du dimanche du 23-24 octobre 1897 sous la signature de G. de V. soit Guy de Valmont.

Sabbat

Imité de l’allemand
La lune traîne,
Ses longs rayons,
Et sur les monts
Et dans la plaine,
Entendez-vous
Ce bruit étrange ?
C’est la phalange
Des loups-garous.

La ronde des sorcières
Tourne,
Tourne,
Tourne,
Tourne,
La ronde des sorcières
Tourne sur les bruyères.

Par sauts, par bonds,
Viennent les gnomes ;
Puis les fantômes,
Puis les démons ;
Et pour la danse
Plus d’un pendu
Est descendu
De la potence.

Tous ces êtres hideux
Tournent,
Tournent,
Tournent,
Tournent,
Tous ces êtres hideux
Tournent autour des feux.

Ce sont vos fêtes,
Venez, damnés !
Guillotinés,
Portez vos têtes !
Et vous, corbeaux,
Criez de joie,
Car votre proie
Sort des tombeaux.

Les morts, sous leur suaire,
Tournent,
Tournent,
Tournent,
Tournent,
Les morts, sous leur suaire,
Tournent dans la nuit claire.

Le roi d’enfer,
Sombre et livide
À tout préside ;
C’est Lucifer.
L’horrible foule,
À ses accents,
En flots pressants,
S’agite et roule.

Et le bal monstrueux
Tourne,
Tourne,
Tourne,
Tourne,
Et le bal monstrueux
Tourne... et fait peur aux cieux.

Mais, comme un rêve,
Tout a passé,
Tout a cessé,
Le jour se lève.
À l’Orient,
Le ciel est rose,
L’insecte cause
Avec le vent.

Du coq la voix sonore
Chante,
Chante,
Chante,
Chante,
Du coq la voix sonore
Chante une belle aurore.