Guy de Maupassant : Sonnet. Poème publié dans Les Annales politiques et littéraires du 3 novembre 1901.

Sonnet

Un nuage a passé sur votre ciel, madame,
Cachant l’astre éclatant qu’on nomme l’avenir,
La douleur a jeté son crêpe sur votre âme
Et vous ne vivez plus que dans un souvenir.

Tout votre espoir s’éteint comme meurt une flamme.
Aucun lien parmi nous ne vous peut retenir,
Vous souffrez et pleurez, et votre cœur réclame
Le grand repos des morts qui ne doit pas finir.

Mais songez que toujours, quand le malheur nous ploie,
Aux cœurs les plus meurtris Dieu garde un peu de joie
Comme un peu de soleil en un ciel obscurci.

Et que, de ce tourment qui ronge notre vie,
Madame, si demain vous nous étiez ravie,
Bien d’autres souffriraient qui vous aiment aussi.