Le contexte historique et social
de Bel-Ami

Par Loïc Heinrich


La IIIe République

    C'est le régime politique de la France, proclamé le 4 septembre 1870 et adopté en 1875 jusqu'en 1941. La IIIe République fut, jusqu'à nos jours, le plus durable des régimes républicains connus par la France. Née d'une défaite en 1870, elle s'effondra en juillet 1940 dans une autre défaite face à la même nation allemande
    Elle fut la période d'apogée de l'Empire colonial français, objet d'admiration autant que de doutes pour les citoyens. Ceux-ci vécurent cette période dans le cadre non d'une constitution, mais de lois constitutionnelles peu nombreuses et remarquablement adaptables aux circonstances.
    Cette République était surtout formée de politiciens impliqués dans les intrigues boursières. Le but de pouvoir s'enrichir illégalement est sûrement la raison première pour beaucoup de devenir politiciens. C'est le cas de la « bande à Walter », qui avec l'aide des médias réussi d'importantes spéculations comme par exemple celle du Maroc qui fut la plus spectaculaire qu'elle ai réussi. Ces députés étaient d'ailleurs souvent eux-mêmes les auteurs anonymes des articles permettant de gagner de l'argent (Firmin - Laroche Mathieu ), dans le livre on peut également dire que Forestier n'était que l'homme de paille et écrivait ce que ces hommes lui dictaient.
    On peut également souligner l'importance du pouvoir de la presse, puisque les différents combats contre le ministère aboutissent au renversement de celui-ci et gênent la Chambre, qui elle essaie d'arrêter Duroy. Ce qui lui vaut de devenir de plus en plus célèbre dans les groupes politiques.
    Par exemple si l'on était ami avec quelqu'un qui faisait partie du cabinet on n'a plus rien à craindre de la justice car tout n'est qu'une affaire de corruption : le fait que La Vie Française passe d'un journal suspect, à cause des arnaques au niveau des spéculations, à un journal officiel et porte-parole de Laroche Mathieu. De plus, c'est toujours le premier qui communique les récentes nouvelles politiques.
    Il règne aussi une grande injustice, surtout quand Duroy reçoit la légion d'honneur pour ses « services exceptionnels » vis à vis de l'État alors qu'en fait il a aidé à gagner de l'argent pour le compte personnel de Laroche Mathieu.
    On a également l'avis de Norbert de Varenne sur les hommes de la Chambre c'est à dire qu'il les considère comme des personnes médiocres car ils sont pris entre l'argent et la politique, on ne peut parler avec eux.
    Après affaire du boulangisme et le scandale des décorations, qui bouleversèrent la IIIe République vint l'affaire de Panama qui montra en 1892 et 1893 avec évidence que le système engendrait une certaine corruption.

Point du vue de Maupassant

    Maupassant n'aime ni les politiciens de la Troisième République ni les aristocrates, il trouve dérisoire, mais pitoyable, le monde des petits fonctionnaires, dont il fut. Mais il ne croit pas non plus qu'une société heureuse soit possible, étant profondément persuadé que le destin de l'homme est mauvais par nature.
    Il a affirmé qu'il ne voudrait jamais être lié à un parti politique, quel qu'il soit, à aucune religion, à aucune secte, à aucune école, ne jamais entrer dans aucune association professant certaines doctrines, ne s'incliner devant aucun dogme, devant aucune prime et aucun principe.

Maroc = Tunisie

  1. Le protectorat français
    En 1830, la France conquit et annexa l'Algérie. En 1869, l'État tunisien, ruiné, dut accepter l'instauration d'une commission de contrôle financière, au sein de laquelle siégeaient l'Italie et la Grande-Bretagne, sous la présidence de la France. Dans le livre on parle de la colère de l'Italie : elle est due au fait que la France voulait s'approprier la Tunisie, alors que l'Italie la convoitait aussi. Toutefois, les troupes françaises intervinrent à partir de l'Algérie, sous prétexte de mater la rébellion des tribus kroumirs, accusées de pénétrer sur le territoire algérien. Le 12 mai 1881, le bey signait le traité du Bardo, qui reconnaissait l'établissement du protectorat français en Tunisie : les affaires étrangères et la défense de la régence passaient sous le contrôle de la France. Un nombre significatif de colons s'établirent dans la région côtière du nord du pays, occupant les fonctions administratives et dirigeant les entreprises. La France étendit, à coup d'expéditions venant épauler des missions savantes ou religieuses, son empire en Tunisie.
  2. Dans le livre
    Maupassant transpose le Maroc et la Tunisie ainsi que, on le suppose, la guerre en Orient et celle d'Égypte.
    Beaucoup d'informations concernant le Maroc furent apportées à Duroy par Laroche Mathieu. Il veut laisser supposer une expédition qui n'aura, d'après lui, pas lieu ; question d'argent. C'est là que Duroy tombe dans le piège et rédige un faux article. Pendant ce temps Walter et Laroche Mathieu ont racheté tout l'emprunt du Maroc tombé à environ 64 ou 65 francs par des agents. Ils ont l'intention de les revendre beaucoup plus chers après l'expédition puisque le territoire deviendra français et les colons devront racheter les terrains à prix très élevés. Prévenu et aidé financièrement par Madame Walter, Duroy peut s'approprier également quelques actions. Il met même Madame de Marelle dans la confidence et lui permet donc à elle aussi de s'enrichir. De plus Le père Walter qui s'occupait dans l'ombre d'une grosse affaire de mine de cuivre au Maroc gagna encore quelques millions grâce à celle-ci.
    On parle aussi vaguement de la guerre opposant l'Angleterre contre les Boers.
    En fait, dans Bel-Ami, le monde grouillant de la finance, celle du crash de l'Union Générale (1881-1882 ) et de la dette tunisienne, sert de toile de fond et, à l'occasion, de tremplin personnel à Duroy.
  3. Opinion de Maupassant envers la colonisation
    S'étant rendu sur place, en tant qu'envoyé spécial du Gaulois, il pense que les méthodes de colonisation française sont inadéquates : spoliation de paysans indigènes, injustices des colons contre les indigènes et surtout méconnaissance de leur civilisation, coutumes et religion ; pourtant il n'est pas un « anticolonialiste », car il pense que les chefs indigènes sont despotiques et les tribus divisées. Il voudrait donc un changement profond de la politique française.

Le rôle des femmes dans la société

    Les différentes femmes présentes dans le livre sont utiles à Duroy, elles lui apportent le talent, un titre, la croix, une position, l'argent.
    Duroy, habituellement très soigneux en ce qui concerne sa réputation, est vraiment déshonoré sans s'en rendre vraiment compte vis à vis du lecteur, au moment où il se promet de rendre l'argent à madame de Marelle et qu'il n'en fait rien.
    Duroy se fit d'abord l'allié de madame Forestier puis sur les conseils de celle-ci, celui de madame Walter ce qui lui valut la place de chef des échos.
    Duroy, après cela, a encore l'intention de conquérir Mme Forestier pour être fort et redoutable, pour aller vite, loin et sûrement. C'est grâce à elle que Duroy s'anoblit en devenant Du Roy De Cantel. Il eut aussi la bonne idée de s'associer sous le régime de la séparation de biens, ce qui lui permet au moment de son divorce de s'approprier une partie des biens de madame Forestier : lui n'apporte presque rien et elle hérite à ce moment de Forestier. C'est également elle qui l'informe au sujet des faits politiques puisqu'elle a plein de relations. Elle accepta de céder à Duroy la moitié de l'héritage de Vaudrec qui lui était normalement totalement destiné : Duroy voulant éviter le déshonneur et récupérer quand même l'argent fit agir la loi concernant la donation entre vifs pour partager la fortune.
    Duroy ne serait rien sans Madeleine et il ne peut l'admettre.
    On entendra plusieurs fois au cours du roman des expressions concernant l'utilité des femmes, notamment celle de Madeleine :     Suzanne que Duroy a épousé pour l'argent, lui a été cédé par Walter dans le but d'éviter un scandale, ce qui montre l'importance que lui attache son père.
    Par ailleurs au moment où Duroy épouse Suzanne Rival fait la remarque suivante : «  sa vie est faîte.  »
    On remarquera que tous les mariages n'ont pour les hommes qu'une valeur économique que ce soit pour Duroy ou Walter qui veut faire en sorte que ses filles épousent de richissimes personnalités afin d'agrandir sa fortune. Ceux pour qui le mariage aurait une valeur sentimentale seraient quelques femmes bien naïves comme Mme Walter ou Suzanne, Madeleine a les pieds bien sur terre et n'est pas dupe quant à l'intention des hommes. Beaucoup de femmes normalisent presque l'adultère, on pourrait penser que leurs sentiments sont de courte durée. Mais ce doit surtout être le fait que seule la sensualité compte pour elles.
    On constate cette différence de valeur du mariage sur la critique que fait Walter aux femmes : le fait d'agir par passion.
    Le seul homme qui respecterait le mariage c'est Norbert De Varenne.
    Politiciennes : article paru en 1881 dans le Gil Blas expliquant l'habilité naturelle qu'a la femme à s'imposer dans le métier par sa séduction, sa subtilité et qu'elle équivaut sinon surpasse l'homme, qu'elle conseille toujours utilement dans l'ombre.

Affaires de l'époque abordées par les personnages

Les réalités

Maupassant = Bel-Ami

    Maupassant, toute sa vie, sera très attentif à sa mère : séjours auprès d'elle, lettres nombreuses.
    Devenu adulte, il marque parfois de l'opposition, souvent une sorte de mépris à son père, avec lequel il ne rompt cependant jamais.
    C'est la guerre de 1870. Maupassant est pris dans la débâcle des armées françaises, et s'en souviendra toujours avec horreur. Son père lui trouve un remplaçant ; il est démobilisé en novembre 1871.
    Voyages : à Cannes, près de sa mère malade, en 1884 ; il séjourne ensuite l'hiver à Cannes régulièrement jusque en 1890.
    Chroniqueur au quotidien Le Gaulois, de 1880 à 1888. Au quotidien Gil Blas, dès 1881 ; plus épisodiquement au Figaro. Souvent, il est inspiré par l'actualité. Il s'est rendu en Algérie, en juillet-août 1881, comme envoyé spécial du Gaulois.
    Maupassant devient riche. A partir de 1885, les contes mettent en scène des gens du monde. C'est que Maupassant a peu à peu pénétré dans ce monde, dont il fréquente des femmes qui ont des salons. Les femmes lui sont chair à plaisir, il en change sans cesse.
    Maupassant a également donné à Bel-Ami son appétit de jouissances en tout genre (les bons repas), son amour pour la Normandie, son souci de l'argent.
    Tous les deux sont journalistes aux dents longues, élégants et sociables, séducteurs et bellâtres, amoureux du terroir et terrorisés par la mort.

Note du webmestre : il est incontestable que certains traits de Maupassant se retrouvent dans Bel-Ami, tels ceux qui ont été annoncés plus haut. Cependant, il y a aussi des différences. Parmi les plus importantes :

Walter et l'argent

    Walter est un député, financier, homme d'argent et d'affaires, juif et méridional, directeur de la Vie Française, un journal officieux, catholique, libéral, républicain, qui n'a été fondé que pour soutenir les opérations de Walter en bourse et ses entreprises de toutes sortes.
    Walter, lui, est parvenu à s'imposer dans la société grâce à la députation et à la presse. Il fait beaucoup d'envieux notamment Duroy qui se compare constamment à lui et par conséquent se considère pauvre. Possédant un don inné pour les affaires, il devint un des maîtres du monde financièrement et il le montre : il acheta un hôtel et le tableau du Christ marchant sur les eaux et en invita tous les connus de la société parisienne à la contempler.
    Walter explique une de ses spéculations, celle concernant les tableaux qu'il achète pour presque rien aux jeunes peintres et qu'il espère revendre beaucoup plus chers lorsqu'ils seront devenus célèbres.
    Il n'a aucune morale et ne jure que par l'argent, c'est également un critère concernant sa réussite puisqu'il écrit de faux articles sans que cela le gêne et va même jusqu'à donner sa fille à Duroy déjà pour éviter le scandale et de plus parce qu'il est certain que Duroy arrivera loin dans la vie.

C'est aussi l'époque où...