Guy de Maupassant est né au château de Miromesnil, qui fait partie de la commune de Tourville-sur-Arques, près de Dieppe, le 5 août 1850. Sa mère, Laure de Maupassant était une femme d'une grande beauté ; son père, Gustave, est un homme distingué, qui donna ses traits à son fils, mais plus fins, moins virils. C'était un séducteur. Les Maupassant sont originaires de Lorraine, portant le titre de marquis, ayant été anoblis par l'empereur François.
Si ce fut un mariage d'amour, ce ne fut pas un mariage heureux. Ils eurent deux enfants, deux garçons : Henri-René-Albert-Guy de Maupassant et Hervé, qui naquit en 1856. Le lieu de naissance est discuté, à cause d'une différence entre deux actes officiels. Sur l'un on peut lire : « né au château de Miromesnil »; sur l'autre « né à Sotteville », près d'Yvetot. La Revue Encyclopédique le fait naître à Yvetot... « La venue de Maupassant, comme celle d'Homère, est entourée de légendes... » Certains pensent même que Flaubert est son oncle. Mais à ce sujet, Maupassant écrira : « La note de la rédaction qui vous fait mon parent est bien jolie ; du reste, cette revue est gigantesque ! » Pour ceux qui n'acceptent pas Maupassant en tant que neveu, ils lui donnent le titre de filleul. D'un parrainage littéraire, on en fait une réalité liturgique ! Certains vont jusqu'à dire qu'il serait son fils ! ! Cependant, la Normandie ne peut perdre Maupassant. On passe même sous silence son origine lorraine.
Guy de Maupassant a passé trois ans à Miromesnil, jouant avec le fils du fermier. Il était lui-même solide comme un petit paysan. A quatre ans, ils se rendent au château de Grainville-Ymauville, dans l'arrondissement du Havre. Les deux enfants restent avec leur mère et se retirent à la villa des Verguies (forme cauchoise de « vergers ») à Étretat ; Guy a neuf ans... Ce fut une enfance heureuse. La maison est rustique. Selon l'article de M. A. Guerinot dans Mercure de France, « c'était loin de la mer et le long de la route de Fécamp, une maison à deux étages, sans recherche architecturale. Neuf fenêtres se découpaient dans la façade d'un balcon que soutenaient des piliers de plantes grimpantes. (...) A l'intérieur, les amples pièces renfermaient un riche mobilier ancien, rehaussé de bahuts provenant de l'abbaye de Fécamp et de merveilleuses faïences de Rouen. » Le jardin fut dessiné par Madame de Maupassant elle-même.
Elle ne laissa à personne le soin d'élever l'esprit de ses enfants. Elle apprit à Guy la lecture et l'écriture. Elle l'intéressait aussi au spectacle de la nature, lui faisant décrire ce qu'il voyait. Déjà, Maupassant apprend à observer. Très jeune, Guy retenait les textes avec une facilité rare et il prit connaissance des classiques ; Macbeth, Le Songe d'une nuit d'été furent ses premiers frissons dramatiques. Un vicaire d'Étretat l'initia au latin et lui enseigna le catéchisme, « un grand curé osseux, carré d'idées comme de corps ». Cette figure du bon curé cauchois, on la retrouve dans Une Vie sous les traits de l'abbé Picot ou encore dans le même roman sous le nom de l'abbé Tolbiac. Toute son enfance a été indissolublement mêlée au paysage haut normand. La pêche n'a pour lui aucun mystère et la navigation côtière est sans surprise. Dans le pays, on l'adore ; il est l'ami de tous. Il emmagasine dans sa mémoire des traits de murs, des mots, des attitudes, des paysages, des sensations.
La séparation de ses parents fait qu'il entre au séminaire d'Yvetot, ce qu'il ne supporte pas. Les murs ecclésiastiques lui deviennent intolérables. L'enfant est dès lors pour toujours brouillé avec la foi religieuse. « Tout petit, les rites de la religion, la forme des cérémonies me blessaient. Je n'en voyait que le ridicule. » Pourtant, il écrira le Dieu Créateur, poème philosophique conservé dans un « cahier d'honneur » au lycée de Rouen. Renvoyé en fin de seconde pour une épître jugée trop « libre », il termine l'année scolaire chez lui. A la rentrée 1867, il va à Rouen, en rhétorique, en philosophie l'année suivante. L'internat de lycée le pèse moins que le régime du séminaire.
Je suis entré dans la vie comme un météore, dit-il avant de mourir, et j'en sortirai par un coup de foudre.
Guy de Maupassant |
Il a pour correspondant Louis Bouilhet, ami de Flaubert. Tous deux sont pour lui de vieux camarades. Ils le guident sur ses essais, ils lui apprennent à redouter le médiocre, à se montrer sévère envers soi-même.
Aux vacances, il retourne à Étretat, avec une joie immense. Lors de l'été, il fait la connaissance de l'Anglais Swinburne. Il y fait référence dans « l'anglais d'Étretat », publié dans le Gaulois, dont certains passages sont identiques à ceux dans La Main d'écorché (1875), publié sous le nom de Joseph Prunier, puis encore à La Main dans Les Contes du jour et de la nuit ou encore dans la Préface des Poèmes et Ballades. Dès ses dernières années de collège, ses idées semblent fixées.
Il commence des études de droit quand la guerre éclate. Il part. Guy est un homme qui ignore la peur ; adroit tireur, il aurait pu faire un bon soldat. Toujours il observe ce qui se passe autour de lui. Toutes les expérience de sa vie, il les garde en mémoire pour en tirer par la suite ses uvres : Boule de suif, Mademoiselle Fifi, La Mère sauvage, Le Père Milon, L'aventure de Walter Schnaffs, Deux Amis, Un Duel, Le lit 29, et tant d'autres...
Puis il entre dans le bureau de l'administration du ministère de la Marine. Là encore, il observe, bien que son travail l'ennuie. Sa robustesse, son attitude physique illusionnent. Mais déjà il souffre. Au moment où il rencontre le succès, il rencontre la maladie ; il souffre de terribles migraines, de longues insomnies ; des phénomènes nerveux l'agitent. Il apaise ses maux par des stupéfiants et abuse des anesthésiques. Puis des troubles de la vue le gagnent. Guy tremble en secret, et des phobies étranges le hantent.
Pendant ses études, il entretient de plus grandes relations avec Flaubert, qui le présente à d'illustres écrivains de l'époque, comme Tourgueniev, Zola, Daudet, Goncourt, et même la princesse Mathilde. Ils lui font prendre des pseudonymes, qu'il utilisera parfois pour ses premiers écrits. Chaque semaine, il dîne avec Zola et ses amis. C'est ainsi qu'il participera à l'élaboration des Soirées de Médan, recueil de nouvelles publié en 1880, qui sera le manifeste de l'École Naturaliste et duquel fera partie la longue nouvelle Boule de suif qui obtiendra un éclatant succès.
Les premiers écrits ne suffisent pas à Guy. Flaubert lui ouvre l'accès de certaines portes, notamment de certains quotidiens. Quoi qu'il en soit, ses débuts sont difficiles. Mais dès lors où les portes s'ouvrent devant lui, tout va changer.
Il abandonne son terne travail de fonctionnaire et devient journaliste et écrivain. Désormais, il parvient à très bien vivre de sa plume : trois cents contes qu'il réunit dans une quinzaine de recueils, comme La Maison Tellier, Les Contes de la bécasse, Miss Harriet, etc.
Il habite des appartements luxueux, possède une villa sur la côte normande, achète avec les droits d'auteur du roman un yacht qu'il appelle « Bel-Ami », pour des croisières en Méditerranée.
Son succès et sa richesse lui ouvre les portes de la haute société. Ce ne sont plus alors les paysans bretons, les petits employés des ministères et les jeunes fille rencontrées au bord de la Seine qui l'inspirent, mais les gens du beau monde dont il traque avec une sensibilité à vif, les passions souterraines et les méandres sentimentaux. Il passe du conte pittoresque ou piquant, qui a fait sa fortune, aux longues nouvelles et aux romans, analyses du cur humain.
Depuis longtemps, il a contracté la syphilis, et il souffre d'atroces migraines, hallucinations, anxiétés et crises nerveuses, conséquences aussi d'une maladie mentale et héréditaire (mère suicidaire ; frère cadet qui finira tôt dans la démence). Il essaie d'y remédier par des drogues et par l'abus d'éther.
Cependant, aussi observateur de lui-même que des autres, il utilise le résultat de ses investigations dans ses contes fantastiques et cruels, qui angoissent le lecteur et lui laissent une sensation de malaise, « une fois le livre fermé ».
Au moment où il se sent menacé par la stérilité créatrice, il devient réellement fou, et après une tentative échouée de suicide, il meurt dans une clinique pour maladie mentale à Passy, le 6 juillet 1893.