Publication : Bienvenu Jacques, Maupassant inédit, pp. 61-63, Éditions Édisud, Aix-en-Provence, 1993, avec notes de l’auteur. Cette lettre est reproduite ici avec l’aimable autorisation de l’auteur et d’Édisud.
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De Laure de Maupassant
à Gustave de Maupassant

M. Gustave de Maupassant,
72, Bd des Batignolles Paris.
Gênes, le 8 octobre 1881
J’ai reçu hier, mon cher Gustave, le mandat de 600 F1 que vous m’avez adressé. Je vous retourne le certificat rempli et signé. J’espère que si je redemande de l’argent à Gênes, chose probable puisque je compte rester à Santa Margharita2, cette signature pourra suffire, car ils sont bien assommants avec toutes leurs formalités. Guy vient de me quitter3, et je sens l’isolement peser sur moi ; je suis comme un chien perdu, qui cherche vainement autour de lui pour rencontrer un regard ami.
Vous me demandez si j’aurai, à Santa Margharita quelques ressources de société. Je n’en sais absolument rien. J’ai choisi ce pays parce qu’il est charmant et qu’on le dit dans de très bonnes conditions de climât [sic]. Je descendrai à l’hôtel d’abord, et je verrai ensuite s’il y a moyen de se caser en appartement garni. J’ai une recommandation pour un propriétaire du pays. Voilà tout. Je serai à une h. et demie de Gênes, ce qui est une ressource ; et à quelques heures seulement de Florence, où je pourrai aller de temps en temps, ayant maintenant cette maison française où je pourrai descendre. La maîtresse s’est montrée aussi raisonnable que possible ; nous4 avons été fort bien traités, et pour peu d’argent.
Je vois, mon cher Gustave, que votre retour à Paris a été dépourvu d’agrément. Ici, il ne fait guère beau temps en ce moment ; mais il doit encore y avoir une fameuse différence avec l’infernal climât dans lequel vous êtes obligé de vivre. Heureusement que Paris offre beaucoup de compensations.
Je suis toujours heureuse des bonnes nouvelles que je reçois d’Hervé ; sa lettre et votre première, m’ont été renvoyées ici. Je serai à Santa Margharita le samedi 15 octobre ; vous pourrez m’y adresser vos lettres poste restante. N’oubliez pas d’ajouter près Gênes Italie.
Ici, nous ne sommes point descendus à l’hôtel Smith, parce que j’avais l’adresse d’une maison meublée, donnant également sur la mer. Un petit restaurateur y apporte à manger. On y est bien, et cela coûte meilleur marché qu’à l’hôtel.
Si vous aviez à m’écrire encore à Gênes, vous adresseriez poste restante. Je vais tous les jours chercher mes lettres.
Ma santé est toujours fort chancelante. J’aurais bien besoin de m’installer à peu près, et de rester quelques temps tranquille. [...]
Adieu, mon cher Gustave, je vous serre très affectueusement la main.
Nous avons dîné à Quinto (près Gênes) chez les de Rossi, pour lesquels Monsieur Guittera nous avait donné deux lettres de recommandation, et c’est le docteur qui m’a, à son tour, remis une lettre d’introduction auprès d’un des principaux habitants de Santa Margharita.
Laure de Maupassant
Guy arrivera à Cannes pour dîner, et sera demain matin chez Madame Adam5 ; mais il n’y séjournera guère, et partira presque immédiatement pour Paris.

1 Sans doute une partie de la pension que Gustave s’était engagé à verser au moment de la séparation.
2 Guy y séjourna en 1889.
3 Guy avait passé l’été en Algérie ; le 10 septembre, il s’était embarqué pour la Corse. Nous apprenons donc qu’il fit ce séjour en Italie avec sa mère début octobre.
4 Ce « nous » indique la présence de Guy à Florence à ce moment-là.
5 Juliette Adam tenait un salon et était fondatrice de la Nouvelle Revue. Elle avait invité Guy à passer quelques jours dans sa propriété de Golfe-Juan.